Dominique Grange commence à chanter Léo Ferré, Jacques Douai et Aristide Bruant à Lyon. Elle s’achète sa première guitare à 11 ans. Après son bac, elle se rend à Paris et prend des cours d’Art Dramatique. Elle entame très vite une carrière de comédienne et décroche un premier rôle au Théâtre de l’Atelier dans Frank V, une pièce de Dürrenmatt mise en scène par André Barsacq . On la retrouve aussi à la télévision dans le feuilleton « Le temps des copains ». Un peu plus tard, Dominique Grange chante dans les cabarets de la rive gauche, au « Port du salut », au « Cheval d’Or ». Elle se fait alors remarquer par la maison Bel Air pour laquelle elle enregistre une douzaine de chansons en pleine vague « yé yé », dont le tube « Il y avait toi », de Léo Missir et Maurice Migette, publié en 1963.
En 64, elle rencontre Guy Béart et enregistre avec lui le succès « Le trou dans le seau » puis elle tourne avec lui dans toute la France, compose et enregistre quatre titres pour les disques Temporel. La sortie du 45 Tours est prévue pour le printemps 1968…
En mai 1968, Dominique Grange laisse tout tomber, le théâtre, la chanson, sa maison de disques, les tournées avec Béart, sa « carrière » … et chante la Révolution dans la cour de la Sorbonne et les usines en grève avec Leny Escudero, Évariste, Pia Colombo, Jean Ferrat, Maurice Fanon, Francesca Solleville et d’autres artistes engagés. Elle intègre le Comité Révolutionnaire d’Agitation Culturelle (le CRAC) et sort un premier 45 Tours autogéré qui se vend par milliers. Vendu 3 francs par exemplaire, l’intégralité des ventes est versée aux différents comités d’actions, comités de grèves… « Chacun de vous est concerné », « La pègre », « Grève illimitée », « À bas l’état policier »… ses paroles sont reprises dans les manifestations et deviennent de véritables hymnes révolutionnaires. Dominique Grange devient l’égérie du mouvement contestataire.
En 1969, elle s’engage dans l’organisation maoïste « la Gauche Prolétarienne » (GP) et part travailler comme ouvrière (O.S) dans une usine de conditionnements alimentaires, dans la banlieue de Nice. C’est là qu’elle écrit « Les Nouveaux Partisans » qui deviendra un hymne emblématique pour les militants révolutionnaires. Elle enregistre un deuxième 45 Tours autogéré avec « Les Nouveaux Partisans » et « Cogne en nous le même sang ».
Les années 70 sont aussi marquées par une répression violente contre l’extrême gauche. Militante de la GP, elle connaît la prison en 1971, elle est arrêtée dans une manifestation organisée à la Goutte d’Or suite à l’assassinat du jeune Djilali Ben Ali. Dominique Grange est condamnée à une cinquantaine de jours de prison pour coups et blessures et injures à représentants de la force publique. Elle est incarcérée à la prison de la Petite Roquette et placée en quartier d’isolement.
Après la mort de Pierre Overney, en février 72, elle rejoint l’organisation clandestine « la Nouvelle Résistance Populaire » (NRP) et vivra trois ans et demi de clandestinité. François Béranger l’hébergera dans sa famille durant plus d’un an et Wolinski la soutiendra en lui confiant des traductions de Crumb, Buzelli, Crepax, Muñoz et Sampayo et d’autres auteurs de bandes dessinées pour Charlie Mensuel durant toute cette période. En 1977, le Professeur Choron propose à Dominique Grange de devenir secrétaire de rédaction du nouvel hebdomadaire « BD » dirigé par Cavanna. C’est là qu’elle rencontre Tardi qui l’encourage à réécrire des chansons. En 1982, elle signe chez Celluloïd et enregistre l’album « Hammam Palace » au studio Ramsès avec les musiciens du groupe Odeurs.
En 1983, Dominique Grange et Tardi se marient. Entre 1984 et 1996, ils adoptent quatre enfants chiliens. Dominique écrit trois livres liés à l’adoption, poursuit des traductions, elle écrit aussi quelques scénarios de BD, notamment avec Tardi, Bilal… On retrouve sa signature dans « À suivre », « Charlie mensuel »… En 1993, Dominique fonde l’AFAENAC, une association de familles adoptives d’enfants chiliens pour créer des liens avec le pays d’origine et soutenir des projets pour des enfants défavorisés. Depuis, Dominique Grange et Tardi organisent notamment des actions de solidarité , par exemple, des ventes aux enchères d’originaux de BD pour participer à la construction d’écoles et de crèches.
En 2003, elle retrouve le chemin d’un autre studio (Profil) et enregistre avec des musiciens de François Béranger. Un double album sort au printemps 2004. Dominique Grange n’a pas changé de cap… Elle chante les révoltes d’aujourd’hui, la prison, l’exil, l’exploitation, l’exclusion… « Les chansons de son album sont autant de petits cailloux rouges et noirs indiquant les chemins à suivre vers l’Utopie Toujours… » (Le Monde libertaire, Daniel Pinós). Dominique Grange considère que ses chansons sont des armes dont on peut se servir pour soutenir des luttes, pour mobiliser la conscience des gens. Fin 2004, elle enregistre « Droit d’Asile » en soutien aux réfugiés italiens menacés d’extradition et « Toujours Rebelle », toujours debout » en soutien aux militants d’Action Directe incarcérés depuis vingt ans. Quelques mois après, elle participe à l’édition d’un livre et d’un disque de chansons de la Commune avec Francesca Solleville, Bruno Daraquy et d’autres…
En 2007, Dominique Grange enregistre «1968-2008… N’effacez pas nos traces !», un album qui trouve son unité et sa cohérence dans les thèmes qui ont inspiré cette « auteure-compositeure » tout au long des quarante années écoulées depuis Mai 68 : les luttes sociales, les minorités opprimées, le racisme, la misère, les inégalités, l’exil, les mouvements de résistance ou d’émancipation des peuples, la mémoire, l’espoir d’un autre futur et les utopies révolutionnaires… Tardi décide d’en faire une superbe mise en image intégrale à la gouache.
En 2008, sortie de l’album et publication aux Éditions Casterman d’un livre de 80 pages, incluant le CD produit par Juste Une Trace, sous le même titre « 1968-2008…N’effacez pas nos traces ! », une véritable œuvre de collaboration entre Dominique Grange et Tardi. Un enregistrement figure également, à la demande de Georges Moustaki, sur sa compilation intitulée « Sous les pavés une carte blanche » (EMI). Plusieurs concerts sont organisés, avec une projection simultanée des images de Tardi, notamment au Café de la Danse et au Festival Pop Montréal, qui fut le premier concert en Amérique du Nord de Dominique Grange.
En 2009, elle enregistre « Des lendemains qui saignent » et poursuit sa collaboration avec Juste une Trace. Sortie de l’album et publication aux Éditions Casterman d’un livre de 80 pages, incluant le CD, des dessins originaux de Tardi et des textes de l’historien Jean-Pierre Verney. Un nouveau spectacle, avec une projection simultanée des images, a été présenté en avant-première, au printemps, à la Grande Bibliothèque de Montréal et au Musée de la Civilisation de Québec.
En 2010, Tardi rejoint Dominique Grange sur scène : le spectacle « Des lendemains qui saignent » devient un concert avec la lecture d’extraits de « Putain de guerre ! » Tomes 1&2 (Tardi/Verney, Ed. Casterman) et la projection de dessins issus de ces deux albums, ainsi que du Livre/CD « Des lendemains qui saignent ». Une représentation est organisée à Craonne, le 16 avril (date anniversaire du début de l’offensive du printemps 1917 sur le Chemin des Dames). Une autre est organisée au théâtre Al Khasaba à Ramallah, en Palestine, dans les Territoires occupés.
Peu après, Dominique Grange réunit dans un album des enregistrements d’origine de ses chansons contestataires, pour certaines inscrites dans la mémoire collective, et qu’elle interprète depuis plusieurs décennies. « À bas l’État policier ! », « Les Nouveaux Partisans » , « La Pègre » et plusieurs autres de ses hymnes sont rééditées en 2013 par Juste Une Trace dans l’album « Notre Longue Marche ». On y retrouve aussi « Dégage ! Dégage ! Dégage ! », une chanson créée et autoproduite par Dominique Grange juste avant les élections présidentielles françaises de 2012. Une chanson qui verra sans doute de nouvelles adaptations dans le futur.